Le Pic et nos guides
“La route que nous fûmes obligés de nous frayer à travers le Malpays, est extrêmement fatigante. La montée est rapide, et les blocs de laves fuyoient sous nos pieds. Je ne puis comparer cette partie du chemin qu’à la moraine des Alpes ou à cet amas de pierres roulées que l’on trouve à l’extrémité inférieure des glaciers : au Pic les débris de laves on les arrêtes tranchantes et laissent souvent des creux dans lesquels on risque de tomber à mi-corps. Malheureusement la paresse et la mauvaise volonté de nos guides contribuoient beaucoup à nous rendre cette montée pénible ; ils ne ressembloient ni à ceux de la vallée de Chamouni, ni à ceux Guanches agiles dont on rapporte qu’ils prenoient un lapin ou une chèvre sauvage à la course. Nos guides canariens étoient d’un flegme désespérant ; ils avoient voulu nous persuader la veille de ne pas aller au-delà de la station des Rochers : ils s’asseyoient de dix en dix minutes pour se reposer : ils jetoient à la dérobée les échantillons d’obsidienne et de pierre ponce que nous avons recueilli avec soin, et nous découvrîmes qu’aucun d’eux n’étoit encore allé à la cime du volcan.”
Alexander von Humboldt, 1799