Marchandises et provisions
“Une heure après notre arrivée, des intrigants espagnols vinrent dans de petites embarcations ou batelets comme l’on dit à Paris nous apporter des fruits de leur pays, tant en bananes que de raisin. […] Quoiqu’ils fassent d’excellent vin le goût n’en est pas aussi bon au manger. Ils avaient aussi du pain frais, pas si bon comme celui de France. Ils avaient aussi des lapins de garenne et différentes autres châteries, le tout pour avoir de l’argent. Ces hommes n’étaient de très bons hommes, au contraire, et même pas trop honnêtes non plus. Ils ont plusieurs fois cherché des moyens pour se saisir des effets que nos matelots leur montraient et voulaient leur vendre, tant en habillement qu’en autres marchandises, tels que fils, aiguilles, couteaux, papiers, qui de moment étaient d’un bon profit, et même en tabac. Mais deux jours après notre arrivée le tabac ne valait que peu de profit vu qu’il est arrivé de suite deux petits corsaires qui en étaient chargés, ce qui fait qu’il a de suite tombé. Ces deux corsaires dont je parle étaient de prise, ce qui fut cause que tout ce qu’ils avaient de marchandises il fut vendu à bon compte. […] L’on s’est occupé dès l’arrivée visiter dans la cale et à d’autres différents endroits voir s’il n’y avait rien de dérangé ou abîmé. L’on ne s’aperçut que de très peu de chose. Cependant nous jetâmes des barils entiers de bœuf salé mais je pense qu’il y avait un peu de la faute des personnes qui l’avaient fourni ou accommodé; nous perdîmes aussi une quantité de jambon, andouille, qui ne fut pas tout à fait perdu mais peu s’en fallait.”
Antoine Sautier, 1800