Fonda à Arrecife
Je ne décrirai pas la fonda (hôtel) où j’étais descendu; c’est une vieille maison avec des planchers branlants, laissant passer l’air dans plus d’un endroit à travers leurs planches mal jointes, ce qui n’a aucun inconvénient, d’ailleurs, sous ce climat. Elle possède un vaste salon orné de quelques meubles peu luxueux, comme on doit bien le penser, et de l’inévitable piano de tous les hôtels canariens, un pauvre instrument qui a dû connaître des jours meilleurs. De chaque côté, une chambre d’honneur est destinée aux hôtes de marque; l’une était occupée par un ingénieur, jeune, intelligent, qui dirigeait les travaux des routes en construction; l’autre me fut attribuée. Quelques autres mauvaises chambres et une salle à manger bien modeste complétaient l’hôtel. Au centre, une cour dans laquelle le propriétaire s’efforçait, sans résultat, de faire croître quelques plantes chétives et une demi-douzaine de salades encore plus rachitiques. Des pots cassés, des caisses défoncées, des bottes à pétrole vides, remplaçaient la végétation qui s’obstinait à ne pas vouloir pousser, bien que le propriétaire, fier de son jardin, prodiguât des soins assidus à ses plantes. Malgré cette absence de confortable, je dormis bien; à ma grande surprise, je ne sentis ni punaises, ni moustiques, ces hôtes obligés de presque toutes les fondas des Canaries.
René Verneau, Cinq années de séjour aux Îles Canaries (1891)