Jardin d’acclimatation
L’idée du Marquis de Villanueva était d’inaugurer à Ténériffe ce qu’il appelait l’acclimatation. Pour faire prospérer en Europe les plantes de la zone torride, il ne croyait rien de mieux que les accoutumer d’abord à une température de transition. Au lieu de transporter directement les sujets exotiques dans les climats tempérés, il fallait les préparer à l’émigration par un séjour temporaire au jardin d’Orotava; là ils s’acclimateraient et l’on pourrait ensuite sans danger les transporter en Europe.
L’expérience a démontré que cette acclimatation successive n’était qu’une utopie. Toutes les plantes exotiques qui parviennent à vivre en Europe peuvent se passer de cet intermédiaire; celles qui ne prospèrent pas, transportées directement, ne réussissent pas mieux après un séjour temporaire à Orotava ; l’intermédiaire est inutile.
[…] Il résume toutes les merveilles de la végétation tropicale et en parcourant ces allées ombragées par mille plantes exotiques il me semblait errer au milieu d’une immense serre à ciel ouvert. Je m’y suis promené toute la journée, respirant avec volupté un air embaumé par les essences odoriférantes, goûtant les fruits les plus délicieux qui soient au monde, m’extasiant devant de fleurs d’un coloris inimitable. Il n’y a pas moins de trois mille espèces cultivées dans un espace de deux hectares, et malgré la nature argileuse du terrain, la végétation se développe avec une rapidité inouïe.
Jules Leclercq, Voyage aux Îles Fortunées (1880)