Canaria
La vallée de Tenteniguada, que nous explorâmes en détail durant cette station, vint accroître la richesse de nos herbiers. De là nous nous acheminâmes vers la haute région pour parcourir les gorges anfractueuses de Texeda. Le Saucillo, Bentayga, le Nublo et Artenara sont autant de monts sourcilleux qui accidentent les crêtes de la Cumbre. Du sommet de ces pics escarpés, le ravin de Texeda apparaît comme une crevasse qui a miné l’île jusque dans ses fondemens; en arrivant sur le bord de cette gorge la terre semble fuir sous vos pas; la montagne est entamée, tailladée dans tous les sens; de longs rameaux se détachent de ce massif en ruines et vont s’abattre sur la côte du sud dans la vallée de l’Aldea. Cependant, à mesure qu’on descend vers Texeda, le ravin prend un aspect moins sauvage et les eaux des torrens viennent fertiliser des lambeaux de terrain que l’industrie canarienne a su mettre en culture. On trouve là encore de beaux arbres, des champs et des pâturages. Nous passâmes trois jours dans un petit village chez de braves laboureurs, les meilleures gens du monde et reprenant ensuite la route de la Ciudad, nous visitâmes successivement cette série de vallées agricoles qu’on désigne sous le nom de las Vegas.
Sabin Berthelot, Miscellanées canariennes (1839)